Les choses avaient plutôt bien commencé. Dix heures d’avion, un bouquin sous la main, bien sûr, mais dix heures quand même. Dix heures à se tortiller dans tous les sens afin de trouver une position confortable pour dormir.
Confortable? Pff... des jambes de 15 mètres 50 pliées en sept, c’est jamais le top du confort.
Dormir? Dormir les jambes pliées, coincées entre le siège de devant, la tablette, la fenêtre à droite (si jamais, j’arrive assez tôt pour avoir une fenêtre) et le voisin de gauche. Bref, je ne m’étais pas imaginé vautré dans un transat au bord de la mer. Et effectivement, la mer, non, elle n’était pas là. Mais les trois places pour moi tout seul, ça n’était pas un rêve. Même si, avec tout ce confort, je n’avais finalement que peu dormi.
La chaleur étouffante et moite qui saisit à sa sortie de l’avion le voyageur défraîchi enveloppé par dix heures d’air conditionné est vite oubliée dans le minuscule aéroport artificiellement rafraîchi. Les bagages se font un peu attendre mais arrivent entiers, qui aurait crû le contraire?
Un visage familier et une voiture (avec chauffeur) m’attendent de l’autre côté de la douane, une douane, quelle douane, j’ai franchi une douane, y’avait des formalités? non? ça va, j’ai rien loupé?, on ne me dit jamais rien à moi.
Dans la voiture climatisée je respire a nouveau, il fait toujours ce temps ici, non, encore une semaine, d’accord, ça va alors, je reste. C’est déjà Pékin ici, c’est grand hein, et tous ces gens dans les voitures, ils sont chinois, ils parlent pas comme moi, de toutes les facons, j’entends rien, y’a du monde quand même, ha, non, y’en a pas là, c’est l’été, oui, mais quand même.
Quelques pas a l’air libre, quelques marches et hop, dans l’appartement climatisé, wouah, super ici, belle vue sur la grisaille du quartier. Tiens, vous avez tous les genres de prises électriques vous, hein, oh bah comme ça c’est mieux pour moi, hein. Bon, je dors un peu, on rigole on rigole mais à Paris, c’est pas midi, il est six heures du mat’ là et je n’ai que trois heures de sommeil.
Les choses avaient plutôt bien continué.
Mon estomac sonna assez rapidement l’heure du réveil, il est alors grand temps de se faire un chinois. Le restaurant était juste à côté de l’appartement. La nuit et la chaleur étaient probablement tombées ensemble un peu avant notre sortie, il faisait noir et l’air était doux.
Un restaurant chinois à Pékin, c’est comme un restaurant chinois à Paris. Enfin, deux-trois choses diffèrent quand même. C’est un petit restaurant même quand il est grand et que trois serveuses s’occupent de chaque table. Quand on parle pas chinois, ils ne font pas semblant de ne pas comprendre, et imitent bien mieux l’accent. Contrairement aux plats, la note est peu salée, comptez 25 yuans par personne, à 0,8 francs le yuan, ça nous fait le festin à 20 balles, correct, tiens bah, je vais reprendre un plat alors, non, je rigole, je vais exploser, là.
La Chine est grande (zhong guo da, première leçon de mon manuel), Pékin aussi. Genre tu dors à Créteil et tu vas faire tes balades à Boulogne. Heureusement de nombreuses artères rectilignes balafrent la ville et les trajets sont assez rapides, disons, pas trop longs. D’ailleurs, souvent, on ne paye pas le taxi à la durée mais à la longueur, pour les moins chers, moins de 10 km, c’est 10 yuans, ça va, avec mes économies, je peux m’offrir royalement le taxi.
Aujourd’hui, on va faire des courses, surtout pour voir comment ça marche, parce que bon, hein, le restaurant, c’est bien quand même (jusqu'à 50 yuans quand c’est très cher: canard laqué). Les cigarettes, 20 yuans, la cartouche, j’imagine qu’il y a 10 paquets de 20 clopes, mais, je ne suis pas expert. Le thé, non, le thé, c’est un cadeau, faut en acheter plus de 3 tonnes pour que le prix soit significatif[1]. Dans l’ensemble les productions locales (sauf l’eau) sont à un prix défiant toute concurrence inexistante. Les produits exotiques (étrangers) ce n’est pas vraiment ca. Jus de fruits à 40 yuans le litre et demi, Café soluble à 30 yuans le pot minuscule, raisin à 50 yuans le kilo (2 yuans pour le raisin chinois), etc. J’arrête là pour aujourd’hui, j’aurais pu continuer avec les babioles du marché aux puces. Chaque truc genre machin que tu imaginerais sans peine à 150 balles minimum, et super négocié, tu l’as à 20 yuans maxi et 10 si tu prends un peu de temps.
Tout avait donc bien commencé. Les vacances s’achevaient bientôt. Le rendez-vous avec l’université était pris pour le début de septembre. On allait voir si tout continuerait ainsi.