Les spécialistes

L'été est une bonne période pour les rénovations. Les parisiens circulant sur l'A4 et l'A6 ne pourront le nier. Ici et depuis plusieurs semaines déjà, notre bel immeuble -- millésime 98 mais déjà décrépit -- est en travaux.

A droite, à gauche, en haut, en bas, les marteaux piqueurs hurlaient leur rage et se rapprochaient sensiblement au fil des jours. Il allait falloir y passer, impossible d'en réchapper.
Fatalement, ce qui devait arriver est arrivé.
Aujourd'hui, Samedi 12 août 2000 à 15h40, le téléphone sonne. Branle bas de combat, il ne reste plus que 15 minutes avant l'arrivée de l'équipe gueulante de spécialistes. Qualité Chinoise reconnue : la pensée à court terme. Nul n'aurait su prévoir cette venue ne serait-ce que 24 heures à l'avance. Il ne manquerait plus que le management de l'immeuble se préoccupe de la vie des occupants! A-t-on jamais vu une fourmilière privilégier l'individu au détriment de la collectivité?

5 minutes après (et oui...), la sonnette de l'entrée résonne. L'équipe prend possession des lieux sans égard superflu (à peine bonjour). Sacrée équipe: 10 personnes. Il ne manque que le Goal.

C'est une équipe que l'on qualifiera d'hyper spécialisée: Y'a le spécialiste des vis et le spécialiste du tournevis. Le spécialiste du marteau piqueur et celui de la prise électrique. Ce qui ne saura surprendre le connaisseur de la Chine. Moi, pour ma part, je m'étonne toujours de cette efficacité diabolique : Les 3/4 lisent ou regardent les autres tant qu'ils n'ont rien à faire, c'est à dire quasiment tout le temps.

J'ai quand même un petit faible pour celui qui tient l'escabeau. D'abord parce lui travaille quasiment en continu et surtout car c'est un symbole du fonctionnement à la chinoise. Plutôt que de produire un bon escabeau bien solide en aluminium, on construit un escabeau instable en bois bien lourd. Conséquences : il faut deux personnes pour le transporter, deux pour le réparer régulièrement (un pour le marteau et l'autre pour les clous), un pour le tenir et (éventuellement) un pour l'utiliser. C'est que les chinois sont nombreux. La meilleure solution (apparemment ignorée par le gouvernement français) pour produire un taux de chômage bas est encore que tout le monde travaille.

C'est ce principe de base qui explique d'ailleurs les travaux qui nous occupent aujourd'hui. Plutôt que de construire un bon immeuble bien solide (pas forcément en aluminium), le constructeur a opté pour un design révolutionnaire: l'ascenseur ne s'arrête que tous les deux étages (obligation de prendre les escaliers pour accéder à n'importe quel appartement); les fenêtres sont dessinées en arc de cercle bouffant 50% de la lumière... Il a eu en outre l'excellente idée de cacher des canalisations défaillantes dans des endroits inaccessibles. Aujourd'hui, deux ans donc après sa construction, il s'agit de refaire l'intégralité du circuit de circulation d'eau.

La Chine est un immense chantier et depuis 4 heures, mon appartement aussi.