Chapitre 4 : Question de mode.

Où le reporter en herbe découvre que la mode chinoise a du bon.
Le reporter en herbe mène ses investigations dans un grand hôtel - centre commercial - hall d'exposition. Il tombe justement sur une exposition de mode. Et ça a du bon.
Par une belle journée d'été, notre héros arrive dans la pollution de la ville. Il a peur des voitures qui roulent vite et que le ciel lui tombe sur la tête. Il pleure sa môman. Il ne veut pas être là, à Paris. Et se réveille en sueur dans sa chambre universitaire de Pékin, ouf, tout va bien, la Vie est Belle (et c'est tant mieux).

Samedi. 11h.

Une voiture aux vitres fumées s'arrête sans un bruit devant l'université. Un visage familier, non, deux en fait. Je monte. Nous arrivons dans un des plus grands hôtels de Pékin. Ici, les hôtels ne se contentent pas d'héberger les touristes pour la nuit. Ce sont de grands centres d'activité. Je cherche une image de comparaison, mais il n'y a rien dans ma jeune mémoire qui ressemble à ça. On trouve selon les étages, centre commercial (supermarché et boutiques de fringues), restaurants, pseudo self-fast-food de qualité équivalente aux restaurants, salons, halls d'exposition. D'ailleurs, c'est dans le hall numéro un que nous allons.

Exposition Annuelle de Pékin pour la Mode.

Même si la traduction n'est pas exacte l'idée est là. Tu sens bien qu'ils auraient aimé dire exposition universelle. Mais, là c'est pas gagné.

Exposition Annuelle de Pékin pour la Mode.

Annuelle.

Ça doit être grand une exposition annuelle de Pékin pour la mode, doit y avoir tout le gratin, non? Parce que quand on y pense, une exposition annuelle dans le centre-politique-et-culturel-de-la-Chine (c'est pas moi qui le dit, c'est la première leçon de français pour les chinois débutants), ça doit être quelque chose. Y-a quand même un bon paquet de chinois dont une partie non négligeable ne va pas cul nu.

Exposition Annuelle de Pékin pour la Mode.

Est-ce que je vais rire? Non, mais parce que j'ai vu les magazines quand même. Tiens, le Elle chinois, l'autre jour, quasiment le seul magazine en couleurs qu'on trouve facilement dans les kiosques, il présentait un designer chinois, c'était quand même super drôle, j'ai pas dit moche, mais drôle, y a une nuance. Surtout en comparant avec les designers des autres pages. Non, mais attends, la fille, là avec ses moon boots aux longs poils qui lui montent jusqu'aux genoux et son espèce de décolleté de travers en haut, je peux pas dire que c'est moche, et puis le rose lui va très bien, mais c'est risible quand meme, non? Je ne me moque pas, j'ai pas l'habitude, c'est tout.

Exposition Annuelle de Pékin pour la Mode.

Bon, on y va?

Bon, ça, vu l'abondance de bleu-blanc-rouge, ça doit être un représentant de la mode française. Ha bah, il s'est bien adapté aux couleurs locales, le designer de cette boite, dont le nom est en chinois et en anglais. Super joli, non, vraiment, mais je rigole pas, dans les années 70, ça devait faire fureur. Et je suis sûr que mes parents mettaient des trucs comme ca, enfin, non, pas mon père, parce qu'il est toujours en retard sur la mode, c'est vrai, au début des années 90, il était encore coiffé comme les Jacksons Five, bon, après, il s'est mis à la gomina.

Exposition Annuelle de Pékin pour la Mode.

On continue?

Remarque bien, à 10 yuans l'entrée, et quand tu vois que nous on a 5 entrées gratuites dont une permanente, ça leur fait pas beaucoup de fonds pour améliorer la présentation, puis ils pourraient faire des économies en coupant le vent là, la clim', c'est pas censé être la mode des 40e rugissants, ici, non? Okay, bon, tu vois, Pierre Cardin, il aurait pas du vendre sa marque, enfin, si okay, il a du pognon, mais regarde ces fringues, c'est quoi ça, un blouson de ski? et ces doudounes roses, ma mère a acheté la même, y'a 10 ans, non, mais attends, c'est quoi, ça c'est du tissu d'ameublement recyclé ou quoi? et ça, attends t'as envie de te promener avec un torchon à carreaux sur le dos. Bon, allez on va voir le défilé

Exposition Annuelle de Pékin pour la Mode.

Le défilé.

Auel choix subtil dans la musique : alternance de techno dépassée et de new-age des années 80. Dans les baffles la musique crache ses décibels, insupportable. Un seul espoir : qu'elles lâchent, et entendu les grésillements, ça ne devrait plus tarder. Ça, c'était pas un grésillement, mais l'annonce de ce qu'on voyait, bon, de toutes façons, j'comprends rien. Attends, ça a changé de designer là ou quoi? Pourquoi, la fille elle court sur le podium, on lui a pas dit que c'était pas un cent métres? Et ils n'ont pas eu le temps de repasser les fringues ou quoi, attends le tailleur froissé, non, mais je rêve, et pourquoi y a 7 fois le même modèle en 7 couleurs différentes, c'est un jeu ou quoi? Et là, c'est quoi ces manteaux avec ces espèces de tablettes géantes de chocolat en cuir un peu n'importe où, et ces trous au niveau des épaules, genre je vais faire un truc super original. Tiens, je prends des fringues toutes simples et je fais un de ces trucs super fous que personne il a jamais fait...

Exposition Annuelle de Pékin pour la Mode.

Le rayon presse est bien achalandé, toute la presse européenne en version japonaise pour un prix 50% moins cher qu'en France. Dernier plaisir avant de partir, une exposition de boutons. Un conservateur incroyablement loquace, j'comprends pas tout, des boutons vieux de plusieurs siècles, des astuces de derrière les fagots pour lier et délier ses vêtements, on imagine la soie qui glisse sur des peaux nues, chaque bouton a une histoire. Ils sont tous magnifiques.

Exposition Annuelle de Pékin pour la Mode.

La mode chinoise a du bon, avec elle, les zygomatiques font du sport.

Exposition Annuelle de Pékin pour la Mode.

Je sais pas si je vais revenir l'année prochaine.