Chapitre 7 : Sept semaines et demie

Deux mois (ou presque) après son arrivée à Pékin, le reporter en herbe fait un bilan de ce qu'il a vu et vécu. Et bah, c'est pas génial.
Notre héros est bel et bien réveillé, ce coup ci c'est sûr, il ne rêve pas. Bientôt 2 mois qu'il est à Pékin, les surprises sont certes devenues des habitudes, mais encore? Allongé sur son lit universitaire, il s'accorde une minute de repos qu'il va nous faire partager.

Je ne sais pas si c'est lié au décalage horaire ou quoi, mais le temps passe à une de ces vitesses ici. Pff, tiens je viens à peine d'arriver que ça fait déjà (presque) deux mois. Hein, quand même, c'est bien une preuve ça.

Au début, tiens, au début, je me souviens quand je suis arrivé, je voyais des chinois partout. Tiens, dans l'avion déjà, et puis à l'aéroport encore, et surtout à Pékin. Vraiment, comme on pourrait s'y attendre, y'a des chinois partout, des chinois, avec leur drôle de petit visage plat et leurs yeux spécialement adaptés pour lutter contre les tourbillons de poussière (ça, je l'ai appris un peu plus tard, en me promenant naïvement les yeux grand ouverts pour regarder partout). Bref, au début des chinois, y'en avait plein partout, et maintenant, je me demande ce qui s'est passé, pfft, disparus, partis, plus là.

Enfin, j'en vois plus. Y'a toujours des tas de gens partout, mais je jugerais qu'ils ont la même tête que moi. Et puis, comme les pékinois ont l'habitude des étrangers, je ne suis pas plus regardé qu'en France, si ce n'est que la différence de taille est plus marquée. Wouaip, tiens, si je ne les entendais pas parler, je me croirais chez moi.

Enfin, disons, comme chez moi, mais différent. Plus sale surtout (et encore, quand on y pense, ça aussi c'est bizarre, au début, y'avait de la crasse partout, maintenant, excepté dans ma chambre, c'est rare qu'il y en ait, wouais, bien sûr, un peu dans la rue, c'est sûr, mais aussi, pourquoi s'acharner à balayer quotidiennement les feuilles sur la roue sèche, mis à part les nuages de poussière que cela soulève, je n'ai pas encore bien saisi l'intérêt). Ce qui est différent aussi, maintenant ça me revient, mais j'avais presque oublié, c'est que dans ma vie d'avant, là-bas, je n'allais pas au restaurant deux fois par jour. C'est vrai que je mangeais moins de riz aussi, à cette époque là. C'est pas que je mangeais moins bien, mais un repas complet au prix d'un sandwich parisien, c'est tout de même plus nourrissant.

Qu'est ce qui a vraiment changé finalement?

C'est vrai, je sens que je vais être décevant, j'avais trouvé un titre aguichant, je promettais des mille et des cent et après 3 minutes de lecture, bof, je reviens sur tout. En fait tout est pareil. Frustrant, non?
D'accord, en fait, c'est que le problème est mal abordé. C'est pas dans les grandes lignes que les choses sont très différentes, mais dans les détails. Et il y en a pléthore.

Une cour d'école primaire c'est toujours une cours d'école primaire, avec des enfants. Mais les enfants pour jouer ont des cordes raides, des barres parallèles, fixes et asymétriques... Et ils font la queue en file indienne en attendant leur tour. Quand ils se cassent la gueule, c'est sur du béton. A la pause de 10h, sous la surveillance des professeurs, alignés en dizaine de files dans toute la cour, ils imitent inlassablement, en musique, un de leur camarade gesticulant sur un podium. Peut être du sport, mais ces mouvements de masse résonnent en moi comme des mouvements de troupes.

Une loi c'est toujours une loi. Tiens, prenons par exemple la règle intérieure à notre université qui stipule que « seuls le poste de télévision, les lampes de bureau et le ventilateur sont autorisés comme équipement électrique, tout étudiant possédant un autre équipement devra payer une amende de 250 yuans et son matériel sera confisqué ». Ça, c'est la loi. (Le motif invoqué -- le plus souvent -- est la sécurité des installations électriques, qu'importe). La réalité, c'est que tous les étudiants sont hors-la-loi, qui pour une bouilloire, qui pour un sèche cheveux, qui pour un fer à repasser, qui pour une seconde lampe, qui pour un ordinateur...
Le personnel de l'université est habilité à pénétrer dans les chambres sans en avertir les occupants (voire sans frapper avant d'entrer) sous un motif quelconque et s'autorise donc à prendre ce qui est à sa portée sans autre forme de procès. Soit, pour le plus officiel, le matériel non autorisé, pour le plus discret, un peu de parfum, et pour le plus discutable l'argent qui traîne. En ce qui concerne les équipements électriques, on peut moyennant l'amende de 250 yuans négociables récupérer son bien pour une durée indéterminée (jusqu'à la prochaine visite).

Une administration c'est toujours une administration. Mais... bon, en fait, j'en parlerais un autre jour.

L'amour c'est toujours l'amour. Mais, tiens, l'autre jour, un étudiant est partit quelques jours en vacances avec des amis. Ils étaient 6 : lui, français avec son amie chinoise de nationalité française; un chinois avec son amie chinoise de nationalité française, et enfin un couple (non marié) de chinois. A l'hôtel, ils ont pris 3 chambres. Successivement, ils ont été réveillés dans la nuit par les forces de police, à la vue des passeports français des deux premières jeunes filles, ils sont repartis sans en savoir plus sur les hommes qui partageaient leur lit. Par contre, le dernier couple a terminé sa nuit au commissariat.

Encore d'autres particularités me viennent à l'esprit, et pas toutes aussi « négatives » dans l'esprit de l'européen. Je ne parlerais que de l'amabilité des chinois qui, quels qu'ils soient, sont presque toujours ouverts pour renseigner ou tout simplement échanger quelques mots avec des étudiants étrangers.

Les quelques inconvénients cités s'évanouissent vite si on a la capacité de s'adapter et, tout bien pesé, la vie d'étudiant étranger à Pékin est bien plus légère qu'a Paris.
Je n'ai jamais été aussi heureux.