Chapitre 12 : Cinéma Paradisio

Le reporter en herbe repart en investigation. Il fait le point sur le cinéma à Pékin : affiches, salles de cinéma et films projetés.
Voilà bientôt 5 mois que notre héros s'est réfugié à l'autre bout de la planète pour échapper aux manifestations et aux grèves de chomeurs parisiens. Il doit néanmoins affronter des problèmes très graves et terribles en même temps : des pannes multiples d'ordinateur, un froid polaire, une organisation universitaire délirante... Pour oublier ces ennuis au quotidien, il s'évade périodiquement dans des salles obscures.

Non, là, non, je ne suis pas d'accord. Nan, c'est vrai quoi, je m'insurge comme cette pratique. Les chapôs, titres et intertitres doivent absolument être trouvés en accord avec le journaliste, quand bien même il serait en herbe. Avec cette habitude de la rédaction de toujours trouver des chapôs accrocheurs, les lecteurs vont finir par se faire des idées fausses... Pff... Bon, alors oui de quoi je voulais vous parler aujourd'hui? Avec toutes ces histoires, je suis un peu perdu moi. Ca y est. Le sujet du jour est le Cinéma à Pékin.

Autant les chinois sont nombreux, autant les salles de cinéma sont rares et le nombre de films à l'affiche en même temps se comptent sur les doigts d'un manchot. Les affiches méritent à elles-seules quelques précisions. Sur les devantures des cinémas, l'affiche « officielle » du film -- celle que l'on voit parfois en poster géant sur les panneaux d'affichage dans la rue -- est reproduite en peinture. L'artiste local n'ayant pas forcément les qualités d'une photocopieuse : les visages sont légèrement déformés, un sourire plus accentué, un sourcil plus épais, un nez plus long... C'est risible, mais apparemment il n'y a que moi que ça fait rire ici.

Sur les films projetés il est difficile de se faire une idée. Si l'on considère les affiches, on remarquera bien sûr une propension à soutenir le cinéma chinois, mais on voit aussi dans certains cinémas quelques films d'action américains (il me semble que ces films étaient déjà à Paris avant mon départ, ce qui signifie qu'ils devaient être sur les écrans américains un an auparavant). Autant en France on compte le succès d'un film en semaines d'exploitation, autant ici cette mesure se ferait plutôt en mois.Mais, si l'on tient compte du ratio chinois / salle de cinéma, cela n'est pas si surprenant que ça. Les affiches ne représentent qu'une part du cinéma de Pékin. En effet, à ce que j'ai compris, il y a trois types de cinéma : les salles commerciales -- situées sur les grandes rues -- , les salles populaires -- bibliothèques, salle de spectacles -- et des (petites?) salles qu'on qualifierait d'indépendantes en France. Je n'ai pas encore eu l'occasion d'aller en ce dernier endroit, mais on m'a assuré que l'on y projetait des films très divers. Les cinéastes les plus revendicatifs politiquement pourraient ainsi trouver un terrain d'expression, non relayé par les affiches « pour les masses ».

La première fois que j'ai mis les pieds dans un cinéma, c'était à la bibliothèque de Pékin (un ouvrage monstrueusement représentatif du système : l'immense entrée principale est condamnée et il faut faire le tour du bâtiment pour pénêtrer par une toute petite porte, les salles sont séparées par d'immenses couloirs sans lumière, un style on ne peut plus imposant et étouffant... mais beaucoup de livres étrangers). Ce fut un dimanche de pur bonheur, sans même tenir compte du tarif (15 yuans pour deux films). Je retrouvais l'ambiance de Cinéma Paradisio : des sièges défoncés, un public très populaire, une image instable et parfois floue, les spectateurs qui hurlent leur (mé)contentement , applaudissent, se lèvent en silence pour l'hymne national qui précède le film (il n'y a pas d'autre pub). Nous avons vu deux films chinois très connus. L'un était la dernière oeuvre de Zhang Yimou, l'autre un film plus ancien de Jiang Wen (que j'avais vu en France en 95). Deux films très légers.

Les fois suivantes, je suis allé dans des cinémas plus commerciaux. L'ambiance n'était pas très bonne, sans même tenir compte du tarif (40 yuans par film) : bousculade, lumière qui se rallume et spectateurs qui partent dès que le dénouement du film est joué, avant même la fin du film, employés qui ordonnent de ne pas trainer et de sortir rapidement. Pas d'hymne national ni de publicité. Nous avons vu des films américains et chinois.

Plus récemment, je suis allé voir Knock au théâtre. La salle de théâtre glaciale n'était décoré que par une immense étoile rouge au plafond. Aucune fioriture à observer pour me tenir éveiller. L'ambiance n'était pas excellente, mais il était amusant de voir les « célébrités » françaises (ambassade) et chinoises (essentiellement du milieu du cinéma) venues assister à la première. Je ne jugerais pas de l'adaptation et la mise en scène centrée sur Jiang Wen, n'ayant pas compris grand-chose.

Une prochaine fois, je vous parlerai d'un café-philosophique où les intellectuels (notamment les cinéastes dont je viens de parler) viennent déclamer et écouter des poèmes qui commentent la situation en Chine.