Jaune pisseux, vert palot, violet délavé. Les ravalements des façades tout en couleurs des HLM bordant l'est de Chang'An Jie sont terminés. Ça donne un peu de gaité à ces habitations délabrées. En fait, quand on s'approche un peu, on regrette même de découvrir que les carreaux cassés n'ont pas été remplacés. Et puis, s'approchant encore un peu, plus attentif, le passant curieux tombe incrédule sur la face cachée, invisible depuis l'avenue. Décrépite. Magiquement réchappée de la vague de rénovation qui n'a touché que 3 murs sur 4.
A peine remis de ces émotions, je poursuis ma traversée fantastique. Chaque jour la même et tous les jours différentes.
A coté des jolis téléphone rouges (qui fonctionnent toujours), ont poussé des poubelles vertes et jaunes. Elles vont toujours par paires. Jamais la verte sans la jaune et jamais la jaune sans la verte. Je n'ai pas bien compris les légendes gravées qui symbolisent leur utilisation, probablement liée à un quelconque recyclage. Quoiqu'il en soit, les pékinois n'en sont pas encore là. Deux poubelles, c'est deux de trop. Les déchets et autres crachats trouvent naturellement leur place par terre. Seules les balayeuses (balais en branchage, pelle et vêtement réfléchissant orange fluo - comme à Paris, la haute technologie du ramasse crotte ne s'expose que dans les zones touristiques) leur ont trouvé une fonction.
L'avenue brille le soir de nouveaux effets lumineux. Gerbes multicolores dans les espaces dégagés, petites ampoules blanches sur les angles des bâtiments, guirlandes de Noël dans les arbres... La ville prend vraiment un air de fête. On se sentirait presque bien, si seulement l'art du cloisonnement pouvait être oublié. Mais au contraire les barrières se multiplient. Selon une coupe transversale de la rue, on peut compter jusqu'à 10 barrières.
En standard, il y a obligatoirement cinq frontières infranchissables. Une première barrière blanche d'un mètre et demi interdit les piétons de descendre de leur trottoir fraichement repavé. Une seconde, dans le meme style, mais de 60 centimètre de haut, sépare la voie cyclistes de la route. Enfin, une troisième, identique à la première, trace, au milieu de l'avenue, la limite entre les deux sens de circulation.
Selon la disposition géographique, il n'est pas rare de trouver des petites rangées d'arbustes entourées de tout coté par une très élégante grille basse en fer forgé noir. Ce qui fait tout de suite 4 barrières supplémentaires.
Enfin, les quelques terrasses et autres jardins qui bordent l'avenue se sont aussi vus encerclés d'une nouvelle entrave, pour le moins inutile.
Qui y verrait là un quelconque symbole politique serait prié de faire son autocritique.